Indice ABEX en baisse : ma prime incendie doit-elle diminuer ? L’analyse EAB
L’annonce est passée presque inaperçue, noyée dans la routine trimestrielle de l’ABEX : au 1ᵉʳ janvier 2026, l’indice de référence du secteur de la construction passera de 1057 à 1056.
Une baisse d’un seul point… certes.
Mais un événement devenu extrêmement rare : la dernière fois que l’indice ABEX avait diminué remonte à juillet 2015, lorsqu’il était passé de 745 à 744.
En onze ans, aucune autre diminution n’avait été enregistrée.
À peine annoncée, cette légère correction a déjà suscité de nombreuses interrogations du côté des assurés, des courtiers, des syndics et même des gestionnaires de patrimoine :
“Si l’ABEX baisse… ma prime d’assurance incendie va-t-elle baisser aussi ?”
La réponse la plus honnête, la plus réaliste, et la plus conforme aux pratiques du marché est simple :
Non. Dans la très grande majorité des cas, une baisse de l’ABEX n’entraînera PAS une baisse de votre prime incendie.
Mais l’explication est plus subtile — et c’est précisément ce que cet article vous propose d’explorer.
Rappel : à quoi sert l’indice ABEX dans une assurance incendie ?
L’ABEX n’est pas un indice économique général.
C’est un indicateur spécifiquement lié au coût réel de la construction en Belgique, établi par l’Association Belge des Experts (ABEX). Il reflète l’évolution :
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des matériaux de construction
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de la main-d’œuvre
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des techniques de mise en œuvre
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des réalités de chantier
L’intérêt est simple : garantir que la somme assurée suive l’évolution du coût de reconstruction d’un bâtiment.
Dans un contrat incendie, l’ABEX sert à indexer :
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la valeur de reconstruction (somme assurée)
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parfois la valeur du contenu
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les divers plafonds indexés
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certaines garanties accessoires
Il n’est pas conçu à la base pour influencer directement la prime… mais uniquement les capitaux assurés, sur lesquels la prime est calculée.
Pourquoi l’ABEX peut-il parfois baisser ?
Une baisse de l’ABEX reste rare, mais elle n’est pas impossible.
Celle du 1ᵉʳ janvier 2026 est liée à une combinaison :
a) Stabilisation post-inflation
Les années 2022–2024 ont connu des hausses historiques dues à :
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l’envolée des prix des matériaux
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la crise énergétique
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les tensions sur la main-d’œuvre qualifiée
Les corrections 2025–2026 reflètent un équilibrage des prix du marché.
b) Recul de certains matériaux structurels
Acier, bois, certains isolants : baisse des prix à l’import et normalisation des marges.
c) Accalmie temporaire dans l’indice salarial du secteur
Les indexations salariales restent structurellement élevées, mais plusieurs trimestres ont montré une stabilisation.
d) Effet statistique : micro-correction
L’ABEX intègre des composantes multiples, et un point de baisse représente une micro-correction technique.
La logique intuitive des assurés… mais fausse
Pour le grand public (et même certains professionnels) :
“ABEX baisse → somme assurée baisse → prime baisse”
A priori, la logique paraît implacable.
Or la réalité contractuelle est beaucoup plus compliquée, et implique une baisse des primes rarissime.
Pourquoi ? Parce que les contrats incendie belges prévoient une indexation automatique… uniquement à la hausse.
Et cela change tout.
Pourquoi une baisse de l’ABEX n’entraîne-t-elle pas une baisse de prime ?
Il existe plusieurs raisons structurelles, légales et commerciales.
Les contrats incendie sont indexés de manière asymétrique
Dans presque toutes les polices incendie belges :
✔️ Quand l’ABEX augmente :
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les capitaux assurés augmentent automatiquement,
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la prime augmente mécaniquement.
✔️ Quand l’ABEX baisse :
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l’assureur n’est pas contractuellement obligé de diminuer la somme assurée,
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donc la prime ne baisse pas.
Cette asymétrie est volontaire :
Elle protège l’assureur contre les chutes artificielles de valeur (risque d’indemnisation insuffisante en cas de sinistre).
Les assureurs appliquent des “valeurs planchers”
Même si la somme assurée devait théoriquement baisser :
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de nombreux assureurs appliquent une valeur minimale,
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d’autres maintiennent la somme assurée “pour sécurité”.
Résultat : la baisse ne se matérialise jamais sur la prime.
La somme assurée ne représente qu’une partie du calcul de prime
La prime incendie repose aussi sur :
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localisation du bâtiment
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occupation (propriétaire / locataire)
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matériaux de construction
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sinistralité régionale
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frais fixes de gestion
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marge commerciale
Une micro-variation de l’ABEX de 1 point n’a quasi aucun impact actuariel réel.
Les assureurs ne révisent pas rétroactivement la valeur du bien
Même si l’ABEX baisse :
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aucun assureur ne modifie rétroactivement la valeur assurée,
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aucun ne réduit la prime pour les périodes déjà courues,
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très peu appliquent une réduction future.
Le risque de sous-assurance prime toujours
Le principe indemnitaire est strict : L’assuré doit toujours recevoir une indemnité permettant la réparation complète, mais jamais plus que ce qu’il a perdu.
Les assureurs préfèrent maintenir une somme assurée plus élevée plutôt que risquer une sous-assurance, impliquant l’indemnisation partielle des dommages subis (application de la règle proportionnelle).
La baisse ABEX du 1ᵉʳ janvier 2026 : que faut-il anticiper ?
Une baisse d’un point — de 1057 à 1056 — n’aura aucun impact visible sur la prime incendie dans 99 % des cas.
✔️ Votre capital assuré restera identique
✔️ Votre prime restera identique
✔️ Les assureurs ne proposeront aucune réduction spontanée
Ce n’est pas une anomalie. C’est la pratique du marché depuis toujours.
Dans quels cas une baisse de prime est-elle possible ? (Cas rares mais réels)
Il existe quelques exceptions où la baisse ABEX peut être revendiquée, mais uniquement si l’assuré prend l’initiative.
A. Révision complète de la valeur de reconstruction (audit EAB)
A la demande de l’assuré, un expert peut recalculer la valeur de reconstruction effective de l’immeuble, en tenant compte :
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du type de construction
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de l’âge du bâtiment
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des techniques utilisées
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de la surface exacte
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de l’ABEX actualisé
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des prix unitaires réels
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des rénovations déjà réalisées
Si la valeur obtenue est inférieure à celle actuellement assurée, alors une diminution de prime peut techniquement être justifiée.
B. Modification structurelle du risque
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changement de destination
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suppression d’annexes
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rénovation complète du bâtiment
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installation de protections supplémentaires
C. Mise en concurrence des assureurs
En renégociant la police, certains assureurs peuvent accepter une baisse dans le cadre d’un changement de compagnie, indépendamment de l’ABEX.
Attention : la fausse bonne idée de sous-assurer en se basant sur une baisse ABEX
Certains assurés pourraient être tentés de demander une baisse de la somme assurée pour réduire leur prime.
C’est une grave erreur :
Une baisse de somme assurée peut activer la règle proportionnelle
→ indemnité réduite en cas de sinistre
Une mauvaise évaluation du coût de reconstruction peut entraîner des pertes financières majeures
→ parfois plusieurs centaines de milliers d’euros
Les assureurs surveillent attentivement les baisses artificielles
→ suspicion de sous-assurance volontaire
Il est important de faire recalculer la valeur du bâtiment avant toute décision.
Cas pratique : quel serait l’impact réel de la baisse ABEX de 1 point ?
Prenons l’exemple d’un bâtiment assuré pour 400 000 € à l’indice ABEX 1057.
Si l’ABEX passait réellement à 1056 dans le calcul, la valeur serait :
400 000 × (1056 / 1057) = 399 622 €
Différence : 378 €
Sur base d’un taux de prime moyen de 1,2 ‰ :
Impact sur la prime : 0,45 € par an, soit moins de cinquante centimes.
Voici une raison supplémentaire pour laquelle aucun assureur n’indexe à la baisse.
Que faire en tant qu’assuré ? Les recommandations d’Expertises EAB
1. Vérifier la méthode d’évaluation de vos capitaux assurés
N’hésitez pas à prendre contact avec votre courtier d’assurance pour un audit et une adaptation de vos contrat d’assurance.
La lecture attentive des conditions particulières et générales de votre police d’assurance peut rapidement révéler :
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L’utilisation d’une grille d’évaluation agréée par votre assureur incendie, qui permet une parfaite couverture de l’immeuble en valeur de reconstruction sur base de montants théoriquement illimités, à l’instar du contenu (biens meubles) dont le capital peut également être basé sur une grille. Cette méthode, pour autant qu’elle soit appliquée avec sérieux, permet de simplifier les débats. Les grilles impliquent des primes d’assurance corrélées à l’évolution de l’indice ABEX et évitent donc toute sous-assurance et règle proportionnelle ;
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Une méthode d’évaluation des capitaux assurés défaillante, telle que des montants fixés par l’assuré sur base de valeurs vénales ou sans conseil préalable. Ces méthodes sont susceptibles d’entrainer des conséquences désastreuses en cas de sinistre.
2. Vérifier les méthodes d’indexation
Certaines compagnies pourraient utiliser des barèmes internes non transparents.
3. Signaler toute transformation/amélioration récente ou planifiée à votre assureur ou courtier d’assurance
Extension, abris de jardin, division de pièces, transformation de combles en pièces de vie, ajout d’un spa, d’une piscine ou d’une salle de bains, etc.
4. Ne pas se focaliser sur l’ABEX
L’indice ne doit jamais être l’unique paramètre. Il est impératif de relativiser l’impact effectif du saut d’indice ABEX afin d’éviter de réinventer la roue inutilement.
5. En cas de doute ou de litige : contacter un courtier d’assurance professionnel et sérieux
→ analyse technique et humaine (exit les solutions hyper standardisées) ;
→ explications par un professionnel ;
→ défense de vos intérêts ;
→ optimisation des vos garanties.
Conclusion : la baisse de l’ABEX est symbolique… mais pas sans intérêt
La diminution de l’indice ABEX au 1ᵉʳ janvier 2026 est un événement rare — le premier depuis 2015 — mais elle n’engendrera pas d’impact tangible sur vos primes d’assurance incendie.
Cependant :
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elle ouvre un espace pour s’interroger sur la pertinence des montants assurés ;
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elle offre une opportunité de réévaluer son contrat ;
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elle rappelle que l’assurance incendie n’est pas un produit tarifaire immobile ;
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elle met en lumière les mécanismes internes du marché belge de l’assurance.
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Et surtout :
C’est l’occasion idéale pour faire vérifier son contrat par un courtier indépendant.
